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Le Droit de l'Entreprise

DROIT DE L'INFORMATIQUE
L’originalité du logiciel (arrêt de la Cour de Cassation du 17 octobre 2012)
Publié le 30/11/2012
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La Cour de cassation a réaffirmé, dans un arrêt du 17 octobre 2012[1], que la preuve de l’originalité d’un logiciel devait être rapportée en recherchant un apport intellectuel propre et un effort personnalisé de son auteur.

La société CODIX sollicitait la condamnation de la société ALIX Services et Développement et d’une société d’huissiers de justice, sur le terrain de la contrefaçon pou la diffusion et l’utilisation d’un logiciel de gestion d’études d’huissiers.

La Cour d’appel d’Aix en Provence, dans son arrêt du 11 mai 2011, avait retenu des actes de contrefaçon en considérant que l’originalité du logiciel se manifestait dans l’apport d’ « une solution particulière à la gestion des études d’Huissier de justice » et avait donc condamné in solidum la société défenderesse et la société d’huissiers à la somme de 20.000 euros de dommages et intérêts et ordonner sous astreinte la cessation du trouble et la remise de la documentation afférente au logiciel, à la société demanderesse.

Cette décision était privée de base légale aux yeux des magistrats de la Cour de cassation qui ont reproché à la Cour d’appel de ne pas avoir recherché en quoi « les choix opérés témoignaient d’un apport intellectuel propre et d’un effort personnalisé de celui qui avait élaboré le logiciel ».

 

  1. Le critère légal de l’originalité, précisé par la jurisprudence


    1. Un critère posé par le législateur national et européen

 

Depuis la loi du 3 juillet 1985, le logiciel est une œuvre de l’esprit[2] susceptible de protection à la condition qu’il constitue une création de forme originale.

La Directive 91/250/CEE du Conseil, du 14 mai 1991, concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur, dans son article 1er, 3, dispose qu’« un programme d'ordinateur est protégé s'il est original, en ce sens qu'il est la création intellectuelle propre à son auteur. Aucun autre critère ne s'applique pour déterminer s'il peut bénéficier d'une protection. »

Mais le Conseil des communautés européennes n’a pas précisé en quoi pouvait consister cette originalité. Tout au plus, le préambule de la Directive de 1991 énonce que « les critères appliqués pour déterminer si un programme d'ordinateur constitue ou non une œuvre originale ne devraient comprendre aucune évaluation de la qualité ou de la valeur esthétique du programme ».

Compte tenu du caractère purement fonctionnel d’un logiciel, l’application du critère d’originalité, qui suppose classiquement que l’œuvre soit imprégnée de la personne de son auteur et révèle un effort créatif[3], nécessite quelques adaptations.

 

    1. Un critère défini par la jurisprudence

La Cour de cassation n’a pas attendu la loi de 1985 pour affirmer qu’un logiciel pouvait être une œuvre de l’esprit susceptible de protection.

Le 7 mars 1986, la Cour de cassation a rendu un arrêt ATARI[4] par lequel elle a censuré la décision de la Cour d’appel de Paris qui avait refusé aux concepteurs et réalisateurs du programme d'ordinateur litigieux la protection du droit d'auteur en retenant – avant la loi de 1985 - qu’on ne pouvait « assimiler à une œuvre de l'esprit la création de logiciels qu'il s'agisse du concept ou des analyses, même lorsque ces derniers ont pour objet l'élaboration d'un jeu ; qu'on ne peut étendre la protection pénale aux programmes d'ordinateurs », dans la mesure où il s’agissait, en définitive, « d'un assemblage technologique qui requiert parfois, d'habiles électro-mécaniciens mais qu'il n'y a pas lieu de "sacraliser" au point de le hisser au rang des œuvres de l'esprit prévues par la loi de 1957 ».

Deux ans après la présentation par Steve Jobs de l'Apple Macintosh au public (1984), les magistrats de la Cour d’appel de Paris évoquaient, au sujet de la programmation de logiciels, avec un soupçon de mépris, l’action « d’électro-mécaniciens » qu’il n’était pas question de « sacraliser »…

La Cour de cassation a heureusement censuré cette décision, en affirmant, visant l'article 2 de la loi du 11 mars 1957, que :

« un logiciel, dès lors qu'il est original, est une œuvre de l'esprit protégée par la loi sur le droit d'auteur ».

 Le même jour, dans un arrêt Pachot, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière[5], a repris à son compte, également sous l’empire de la loi de 1957, l’analyse de la Cour d’appel de Paristout en renvoyant au pouvoir souverain des juges du fond à cet égard – qui avait défini les critères de l’originalité appliqué à un logiciel. L’auteur devait, selon la Cour d’appel de Paris, avoir :

 « fait preuve d’un effort personnalisé  allant au-delà de la simple mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante » et la matérialisation de cet effort doit résider dans une structure individualisée ». La Cour en a conclu que « les logiciels conçus par Monsieur Pachot portaient la marque de son apport intellectuel ».

En 1991, dans un arrêt Isermatic, la Cour de cassation a approuvé, toujours sous l’empire de la loi de 1957, une Cour d’appel qui avait accordé la protection du droit d’auteur en constatant l’existence de :

« choix créatifs caractéristiques de véritables programmes, dont elle a souverainement apprécié l’originalité au regard de l’apport personnel de l’auteur »[6].

La chambre criminelle de la Cour de cassation a censuré, dans un arrêt du 27 mai 2008[7], cette fois-ci sous l’empire de la loi de 1985, une Cour d’appel qui :

« n’avait pas fait ressortir si et en quoi, les logiciels reproduits témoignaient d’un effort créatif portant l’empreinte de la personnalité de leurs créateurs, seul de nature à leur conférer le caractère d’une œuvre originale ».

Dans son dernier arrêt, du 17 octobre 2012[8], la 1ère chambre civile de la Cour de cassation est venue réaffirmer qu’il convenait de rechercher en quoi « les choix opérés témoignaient d’un apport intellectuel propre et d’un effort personnalisé de celui qui avait élaboré le logiciel ».

L’arrêt du 17 octobre 2012 précise et synthétise, on le voit, les critères jurisprudentiels, en insistant sur trois éléments retenus par les juges du fond dans les affaires précédentes, à savoir :

-          les choix opérés par le concepteur (1),

-          se manifestant par :

o   un apport intellectuel (2.1),

o   un effort personnalisé (2.2).

L’arrêt du 17 octobre 2012 combine donc les critères des décisions précédentes (choix, apport personnel, effort personnalisé) tout en insistant sur le fait que l’apport doit être « intellectuel », en reprenant à son compte l’analyse des juges du fond dans l’affaire qui avait donné lieu à l’arrêt Pachot.

En clair, en s’appropriant les critères définis précédemment par les juges du fond, la Cour de cassation étend son contrôle tout en cherchant à harmoniser la jurisprudence, dans le contexte de la loi du 3 juillet 1985.

 

  1. La manifestation concrète de l’originalité d’un logiciel


    1. Le support de l’originalité

En application de la législation européenne et nationale, la protection s'applique à toute forme d'expression d'un programme d'ordinateur. L’originalité du logiciel permettant sa protection par le droit d’auteur réside non pas dans une idée, mais dans son expression.

La protection du logiciel s’étendra à toutes les formes d’expression de celui-ci qui permettront de le reproduire dans différents langages informatiques tels que le code objet et le code source, à la condition qu’ils expriment la créativité de l’auteur du logiciel.

En revanche, les idées et les principes qui sont à la base de la logique, des algorithmes et des langages de programmation ne seront pas protégés. Ils sont dits « de libre parcours ». Dès lors, les fonctionnalités du logiciel ne seront pas susceptibles de protection en elles-mêmes[9].

 

    1.  Conseils aux concepteurs et aux éditeurs

Le concepteur d’un logiciel pourra notamment effectuer des dépôts auprès de l’A.P.P., pour donner aux éléments qu’il a développés une date certaine, et lui permettre ainsi de revendiquer un monopole d’exploitation sur les éléments originaux du logiciel.

Le principal avantage de la protection par le droit d'auteur réside dans la simplicité de la procédure. En effet, celle-ci ne requiert aucune formalité d’enregistrement. La protection par le droit d’auteur est efficace au niveau international et jusqu’à 70 ans après la mort de l’auteur.

Mais compte tenu de l’absence de clarté du critère d’originalité permettant de bénéficier de la protection et des difficultés de preuve auxquelles peut se heurter le créateur d’un logiciel, la brevetabilité du logiciel, plus protectrice, peut également être envisagée si le logiciel est destiné à être édité à l’étranger, la France ne prévoyant pas une telle protection.

Le logiciel est cependant brevetable, même en France, en tant qu’élément d'un ensemble technique ou combinatoire lui-même brevetable[10].

Dans le cadre du brevet, c’est l’invention technique qui est le fondement du droit au monopole et, plus généralement, du droit à la protection. L’exigence du critère d’originalité  est alors « remplacée », en quelque sorte, par l’exigence de nouveauté de l’invention, plus facile à appréhender pour une création dont le but est fonctionnel et non esthétique.

Pascal ALIX et Gwendoline PERFETTI, avocats à la Cour

 

[1] Cass, Civ. 1, 17 octobre 2012, pourvoi n° 11-21641

[2] Article L. 112-2 13° CPI du Code de la propriété intellectuelle

[3] Par ex. CA Paris, 14 février 2004, Expertise 2004, p. 146, note C. Bernault

[4] Cass., Ass. Plén., 7 mars 1986, pourvoi n° 84-93509, Bull. AP, n° 4

[5] Cass., Ass. Plén., 7 mars 1986, pourvoi n° 83-10477, Bull. AP, n° 3

[6] Cass., Civ. 1ère, 16 avril 1991, JCP G 1991, II, 21770, note Croze

[7] Cass., Crim., 27 mai 2008, pourvoi n° 07-87.253, NP, D. 2009, pan. 1992, obs Larrieu, Le Stanc et Tréfigny

[8] Cass, Civ. 1, 17 octobre 2012, pourvoi n° 11-21641, précité

[9] CJUE, 2 mai 2012, SAS INSTITUTE, C – 406/10 ; cf.

[10] article 52 de la Convention de Munich ; Cour d'Appel de Paris, Schlumberger, 15 juin 1981

 

Pascal ALIX
Avocat à la Cour



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