1 - Le principe de l'EIRL
La nouveauté de l'EIRL se caractérise par la suppression du principe de l'unicité des patrimoines[1]. En effet, avec le projet de loi sur l'EIRL[2], les entrepreneurs auront la possibilité de créer un patrimoine professionnel, en somme un patrimoine d'affectation, distinct de leur patrimoine personnel. L'objectif est la protection du patrimoine personnel en cas de défaillance de l'entreprise.
2 - Du déjà vu ?
Un des objectifs du projet de loi est donc la protection des biens personnels de l'entrepreneur. Les opposants au projet soulèvent le fait que cette protection existe déjà avec la loi Dutreil[3] de 2003 qui permet l'insaisissabilité de la résidence principale de l'entrepreneur individuel par un acte établi par un notaire. Mais le projet de loi sur l'EIRL simplifie le système puisque l'acte constitutif de l'EIRL consisterait en une simple déclaration d'affectation, avec une protection accordée automatiquement aux biens personnels de l'entrepreneur.
3 - Des exceptions limitant l'apport de l'EIRL
Il demeure des cas dans lequel l'entrepreneur pourra voir sa responsabilité engagée sur la totalité de son patrimoine.
La première exception est relative au « manquement grave aux règles qui régissent la composition du patrimoine d'affectation » et la comptabilité autonome. Le risque ici, est celui de l'insécurité juridique, dans la mesure où toute séparation incorrecte du patrimoine pourra être sanctionnée lourdement à travers la confusion des patrimoines[4].
La seconde exception est bien entendu celle de la fraude lorsque la déclaration d'affectation a pour unique dessein de mettre obstacle à des poursuites ou à l'exercice des droits des tiers (notamment lorsque des poursuites ont déjà été engagées par des créanciers professionnels).
2 - La caution personnelle au profit des banques
La principale critique du projet de loi réside dans le fait que malgré l'étanchéité annoncée des patrimoines, les banques pourront toujours continuer à demander une caution personnelle aux entrepreneurs, ce qui revient à limiter l'apport du projet de loi.
Un amendement a été adopté afin de maintenir l'utilité et l'efficacité de ce statut. Cet amendement est rédigé de la manière suivante : « qu'aucune garantie personnelle - sûreté réelle sur le patrimoine non professionnel ou sûreté personnelle consentie par une personne physique - ne pourra être demandée en supplément de la garantie offerte par un établissement de crédit ou une société de caution mutuelle, mais seulement pour couvrir la partie non garantie du concours financier »[5].
4 - Des incertitudes quant à la faillite
Que ce passe-t-il en cas de défaillance de l'entreprise ? Actuellement, le droit des procédures collectives ne prévoie aucune solution dans le Code de commerce, pour traiter les cas de patrimoines affectés. Un aménagement sera donc nécessaire. Si le projet de loi évoque une procédure adaptée qui serait mise en place dans le cadre d'un régime protecteur, elle devra faire l'objet d'une ordonnance après l'entrée en vigueur de la loi, et le contenu de cette ordonnance est encore inconnu.
Avec la participation de Corentin Kerhuel.
[1] Principe selon lequel le patrimoine est toujours, en principe, lié à la personne, physique ou morale.
[4] Cette difficulté a notamment été soulevée par Jean-Michel Clément, député de la Vienne, lors des débats parlementaires.
[5] Amendement n°47, voir http://www.assemblee-nationale.fr/13/amendements/2298/229800047.asp