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DROIT DE L'INTERNET
Le meurtre d'avatar

Publié le 06/04/2010

La presse en ligne et hors ligne a rapporté qu'une femme japonaise de 43 ans avait été arrêtée et incarcérée après avoir fait disparaître l'avatar de son « mari virtuel » dans le jeu de rôle massivement multi-joueurs Maple Story. Elle avait en effet été particulièrement furieuse de découvrir que son « mari virtuel » avait soudainement divorcé. On a pu ainsi lire, sur divers blogs et sites d'information, que cette femme était en prison pour « le meurtre virtuel de son mari ». Elle s'exposerait à une peine allant jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et 5.000 $ d'amende.

Le site de la BBC indique que cette femme était accusée d'avoir accédé illégalement à l'ordinateur de son « mari virtuel » et d'avoir utilisé ses identifiant et mot de passe pour supprimer son compte.

Qu'en serait-il en droit français ?

On peut se demander si, de la même manière, un joueur français de jeu MMOG pourrait se retrouver en prison pour des faits similaires.

Il convient de rappeler, en droit pénal, le principe de légalité des délits et des peines selon lequel il n'y a pas d'infraction sans texte. En d'autres termes, on ne peut être condamné pénalement qu'en vertu d'un texte pénal clair et précis.

Le « meurtre d'avatar » n'étant pas (encore) prévu et réprimé par notre droit pénal, un joueur ne saurait être condamné pour avoir « tué » le personnage virtuel d'une autre personne.

Toutefois, la multiplication des crimes et délits virtuels (vols, viols de personnages virtuels etc.) pose un grand nombre de questions en termes de conséquences juridiques dans le monde réel et notamment en termes de responsabilité et de réparation du préjudice.

Dans l'attente des évolutions du droit en la matière, il convient de savoir quelles infractions pourraient être caractérisées en droit français.

L'atteinte aux données

L'article 323-3 du Code pénal dispose que « le fait d'introduire frauduleusement des données dans un système de traitement automatisé ou de supprimer ou de modifier frauduleusement les données qu'il contient est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende ».

La suppression frauduleuse du compte et donc, des données concernant un avatar pourrait, a priori, être sanctionnée par ce texte.

L'usurpation d'identité numérique ?

Pour supprimer le compte de son mari virtuel, l'intéressée a utilisé l'identifiant et le mot de passe de celui-ci à son insu.

En droit français, l'usurpation d'identité n'est punie que dans des circonstances qui peuvent déterminer des poursuites pénales contre l'usurpateur (article 434-23 du code pénal).

Le projet de loi LOPPSI 2[1] prévoit de créer deux incriminations d'utilisation frauduleuse de données à caractère personnel :

- « le fait d'utiliser, de manière réitérée, sur un réseau de communication électronique l'identité d'un tiers ou des données qui lui sont personnelles, en vue de troubler la tranquillité de cette personne ou d'autrui ».

- « le fait d'utiliser, sur un réseau de communication électronique, l'identité d'un tiers ou des données qui lui sont personnelles, en vue de porter atteinte à son honneur ou à sa considération. »

Ces faits seraient punis d'un an d'emprisonnement et de 15.000 € d'amende.



[1] Projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure

Pascal ALIX
Avocat à la Cour

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