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DROIT DU TRAVAIL
Que doit faire, en pratique, un salarié quand son supérieur lui demande de participer à la commission d'un délit ?

Publié le 03/07/2004

Dans l'hypothèse où le salarié est confronté à un ordre tendant, de manière évidente, à l'accomplissement de délits au préjudice de tiers à l'entreprise (clients, fournisseurs, banques, assureurs...), d'organismes de sécurité sociale (par exemple montage complexe tendant à frauder les organismes de sécurité sociale) ou de la société elle-même (par exemple abus des biens sociaux) et en particulier lorsque les enjeux financiers sont importants, la seule solution consiste, en droit strict, à refuser de l'exécuter. Sauf à s'exposer, il est vrai, à des risques importants sur le plan personnel et sur le plan financier.

Mais les choses ne se présentent que rarement ainsi dans la pratique. Les salariés peuvent être amenés à participer à un délit sans nécessairement connaître toutes les données, notamment lorsqu'elles sont volontairement dissimulées par les dirigeants. Parfois ils n'ont pas conscience de l'illégalité des décisions prises ou des mesures mises en oeuvre, présentées sous la forme d'une décision d'organisation ou de gestion.

De plus, si la loi protège les salariés intègres - ceux-ci ne pouvant être sanctionnés pour avoir refusé d'exécuter ou avoir dénoncé le caractère illicite d'un ordre - la réalité de l'entreprise et la situation personnelle des intéressés ne leur permet pas toujours d'adopter une attitude de justicier.

Lorsque la participation à un délit est manifeste, une solution consisterait à demander au dirigeant de l'entreprise ou au supérieur hiérarchique une lettre de mission ou une note décrivant les actes à accomplir de manière assez détaillée. Mais cette solution doit, la plupart du temps, être écartée, compte tenu de la réalité des rapports de pouvoir au sein de l'entreprise et de la discrétion souhaitée par ceux qui ont imaginé le système à mettre en oeuvre.

Reste la solution, celle-ci envisageable, de la note interne adressée par le salarié au dirigeant ou à son supérieur hiérarchique prenant note de ses instructions, mais attirant, avec le tact nécessaire, son attention sur les risques encourus en cas de mise en oeuvre des mesures envisagées.

La dernière solution consiste, pour le salarié, à demander - lorsqu'il dispose de l'autonomie suffisante pour pouvoir le faire sans accord d'un supérieur ou avec l'accord d'un supérieur - une consultation à un avocat ou à un juriste extérieur à l'entreprise sur la licéité des mesures qu'on lui demande de prendre. Ce dernier, par hypothèse indépendant et libre de ses propos, ne manquera pas de souligner le risque pénal et les risques civils de l'opération, sauf à manquer à son obligation de conseil. Le salarié peut présenter, lorsque c'est nécessaire, la demande de consultation à ses supérieurs en indiquant qu'il fait "valider" l'opération par un consultant extérieur. Cette dernière solution est plus "confortable" pour le salarié, qui n'expose pas son analyse personnelle de la décision qu'on lui demande de prendre. S'il adresse une copie de la consultation aux dirigeants en indiquant que "selon Maître UNTEL, la décision présente certains risques", il pourra, le cas échéant, se prévaloir de cette subtile mise en garde...

Pascal ALIX
Avocat à la Cour

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