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Le Droit de l'Entreprise

DROIT DU TRAVAIL
L'application des clauses de mobilité (jurisprudence)
Publié le 01/06/1999
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L'employeur qui doit - comme le salarié - exécuter de bonne foi le contrat de travail fait un usage abusif d'une clause de mobilité - fut-elle licite - insérée dans le contrat lorsqu'il impose au salarié un déplacement immédiat vers un poste pouvant être occupé par un autre salarié pour qui cette affectation présenterait moins de difficultés sur le plan familial et privé.

C'est en ce sens que la Cour de Cassation s'est prononcée, le 18 mai 1999 (décision reproduite ci-après). La juridiction suprême réaffirme, ce faisant, son désir de contrôler non seulement la validité des clauses de mobilité, mais également les conditions de leur exécution.

Le contrôle n'est certes pas nouveau. La Cour de Cassation décidait déjà, en 1987, qu'un employeur ne pouvait muter un salarié à un poste distant de 150 km en lui demandant, par télégramme, de l'occuper dans les 24 heures (Soc., 16 février 1987, Bull. V, n° 83).

Il demeure que la jurisprudence évolue dans un sens favorable des salariés dans la mesure où, se référant à l'obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi, la Cour de Cassation libère le salarié de son obligation de prouver un détournement de pouvoir.

Si l'on combine cette jurisprudence récente avec la règle selon laquelle l'employeur ne peut insérer dans le contrat de travail une clause de mobilité prévoyant un changement de domicile du salarié pour le rapprocher de son nouveau poste, si cette obligation n'est pas justifiée par les attributions du salarié et n'est pas proportionnée au but recherché (Soc., 12 janvier 1999, note n° 162, pourvoi 96-40.755, P + B + R), l'on s'aperçoit que la Cour de Cassation s'efforce de faire respecter l'équilibre nécessaire entre, d'une part, l'intérêt de l'entreprise et, d'autre part, le respect de la vie privée du salarié.

Il demeure que lorsque la clause de mobilité n'impose pas un changement de domicile et qu'elle est mise en oeuvre, par l'employeur, de bonne foi, en respectant un préavis raisonnable, le salarié ne saurait se référer, à des inconvénients d'ordre privé pour s'opposer à l'exécution de ses obligations contractuelles.

Aussi, le salarié ne peut s'opposer à un changement de lieu de travail, en présence d'une clause de mobilité licite, sauf à commettre, éventuellement, une faute grave (Soc., 30 septembre 1997, Bull. V, n° 289), dès lors que le lieu de travail ne constitue pas, en ce cas, l'un des éléments du contrat alors que les parties, en convenant une clause de mobilité, avaient considéré tout d'abord, que le lieu de travail n'était pas un élément contractuel, et, ensuite, il est de l'intérêt de l'entreprise que le salarié puisse être affecté, dans le cadre de ses relations avec l'employeur, à des postes situés dans des lieux géographiques différents.

Cass. Soc., 18 mai 1999, société LEGRAND c/ M. ROCHIN, pourvoi n° 96-44-315, arrêt n° 2284 P).

La Cour :

(...)

Sur les deux moyens réunis :

Attendu que M. ROCHIN a été embauché le 4 septembre 1986, par la société GECICA en qualité d'ouvrier d'exécution ; que la lettre d'engagement faisait référence à la convention collective des travaux publics et au règlement intérieur de l'entreprise ; que le contrat de travail a été repris par la société LEGRAND à compter du 31 mars 1991 ; que, par télégramme du 4 février 1994, il a été demandé à Monsieur ROCHIN de se présenter pour une nouvelle affectation le 7 février à TOURCOING ; qu'ayant refusé cette affectation, il a fait l'objet d'un avertissement le 3 mars 1994, et a été licencié pour faute grave le 18 avril 1994 ; qu'il a saisi le Conseil de Prud'hommes ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, le 13 mai 1996), de l'avoir condamnée à verser les indemnités de rupture à Monsieur ROCHIN, d'avoir ordonné le remboursement des indemnités de chômage versées au salarié par l'ASSEDIC, et de l'avoir condamnée à verser au salarié une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, d'abord, que le refus injustifié d'un salarié, malgré une mise en demeure de son employeur, de se soumettre à un ordre de changement de poste, n'entraînant pas une modification substantielle du contrat de travail, constitue une faute grave rendant impossible le maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que Monsieur ROCHIN était soumis à une clause de mobilité, que le refus de se soumettre à un ordre de changement de poste, n'entraînant pas une modification substantielle du contrat de travail, était constitutif d'une faute grave, peu important des considérations d'ordre personnel tenant à ce que Monsieur ROCHIN ne pouvait laisser seule sa femme enceinte de 7 mois ; qu'en refusant de retenir l'existence de la faute grave, la Cour d'Appel a commis une erreur manifeste de qualification et a violé les articles L. 122-6 et L. 122-8 du Code du travail ; alors, ensuite, que la société soulignait dans ses conclusions d'appel laissées sans réponse qu'elle avait pris soin d'expliquer à Monsieur ROCHIN les raisons de sa nouvelle affectation justifiée par les activités de l'entreprise, les conditions d'embauche du salarié, de l'activité réduite de la société eu égard à la conjoncture et de l'impossibilité d'employer Monsieur ROCHIN dans la région Parisienne, compte tenu de sa qualification professionnelle, qu'en particulier le groupe 40 de Villeneuve-Saint-Georges dont faisait partie le salarié, a connu, une grave crise tels que des licenciements économiques, et que seules des personnes plus qualifiées que Monsieur ROCHIN ont continué à travailler sur Villeneuve-Saint-Georges pour une période très limitée, que pareilles circonstances étaient propres à justifier la mutation de Monsieur ROCHIN sur le chantier de TOURCOING et que son refus constituait une faute grave ; qu'ainsi, la Cour d'Appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, ensuite que le salarié ne devient créancier de l'indemnité de préavis qu'à charge pour lui de rester à la disposition de son employeur ; qu'en l'espèce, dès lors que la mutation de Monsieur ROCHIN à TOURCOING ne constituait pas une modification substantielle de son contrat, il avait l'obligation d'exécuter son préavis dans son nouveau poste ; que, par suite, en retenant que le salarié s'est tenu à la disposition de son employeur dans son ancien poste, la Cour d'Appel a violé l'article L. 122-8 du Code du travail ; qu'alors, enfin, que repose sur une cause réelle et sérieuse le licenciement d'un salarié qui refuse d'effectuer un déplacement prévu à son contrat de travail, dès lors que cette mutation ne constitue pas une modification substantielle du contrat ; que la Cour d'Appel n'a pu, sans se contredire, constater tout à la fois que Monsieur ROCHIN avait accepté la clause de mobilité dans la France entière, que "le fait qu'il n'ait pas jusqu'alors effectué de déplacement ne l'exonérait pas de l'obligation de se conformer à cette clause" et que l'employeur avait abusé de son droit d'imposer la clause de mobilité au salarié, en se fondant sur des considérations d'ordre personnel et en substituant son appréciation au pouvoir d'organisation du travail, par l'employeur qui affecte les salariés sur les chantiers où se trouve du travail correspondant à leurs qualifications ; qu'ainsi, la Cour d'Appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que la Cour d'Appel, qui n'a pas méconnu l'obligation du salarié de se conformer à la clause de mobilité, a relevé que l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, avait fait un usage abusif de cette clause en imposant au salarié, qui se trouvait dans une situation familiale critique, un déplacement immédiat dans un poste qui pouvait être pourvu par d'autres salariés ;

Et attendu, ensuite, que la Cour d'Appel, ayant relevé que le salarié s'était tenu à la disposition de l'employeur, a légalement justifié sa décision de condamner l'employeur à payer une indemnité compensatrice de préavis ; que les moyens ne sont pas fondés ;

Par ces motifs :

Rejette le pourvoi ;

Pascal ALIX
Avocat à la Cour



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