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Le Droit de l'Entreprise

DROIT PUBLIC
Prêt de main d'oeuvre à un Etablissement Public Administratif - Arrêt de la Cour de cassation du 30 septembre 2003
Publié le 18/11/2003
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Le prêt illicite de main-d'oeuvre au sens des articles L. 125-3, L. 152-3 et L. 152-3-1, du Code du travail est, rappelons-le, toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre. La mise à disposition de personnel "à but lucratif" n'est permise, en l'état de la jurisprudence que si elle est l'accessoire d'un contrat de prestation de services (notamment dans le cadre d'un contrat d'assistance en régie - voir par exemple modèle sur Contrat-Expert) ou dans le cadre du travail temporaire.

L'arrêt ci-dessous, en date du 30 septembre 2003, a pour intérêt d'appliquer cette règle à des agents publics mis à disposition d'un Etablissement Public Administratif (E.P.A.). La Cour de cassation a décidé, dans le cadre d'un attendu dont la formulation peut surprendre à première lecture que "la circonstance que les personnels de l'établissement public ne soient pas soumis aux dispositions du livre premier du Code du travail était sans incidence sur l'application des dispositions légales précitées".

 

* *

 

Cour de Cassation
Chambre criminelle

Audience publique du 30 septembre 2003

Cassation

N° de pourvoi : 02-85022
Publié au bulletin

Président : M. COTTE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente septembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

[...]

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 125-3, L. 152-3 et L. 152-3-1, du Code du travail, 121-1 et 121-2 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit que Jérôme X... et la société Bac Sécurité n'ont pas commis de faute à l'égard de la partie civile sur le fondement de la poursuite du chef de prêt de main-d'oeuvre à but lucratif et a débouté la partie civile de l'ensemble de ses demandes ;

"aux motifs que, les premiers juges ont relaxé le prévenu au motif que les personnels du Centre Culturel Georges Pompidou sont des agents publics et, comme tels, ne sont pas assujettis aux dispositions du Code du travail ; que, si les dispositions du Livre II du Code du travail s'appliquent à tous les établissements industriels et commerciaux, qu'ils soient publics ou privés, il n'en va pas de même des dispositions du Livre I, dans lequel sont insérés les articles L. 125-2 et L. 125-3 visés par la prévention qui, comme l'a reconnu une abondante jurisprudence, n'est pas applicable aux établissements publics (Soc. 20 juin 1984, 4 juillet 1990, 2 juin 1988) ; que la qualité d'établissement public administratif du Centre National d'Art et de Culture Georges Pompidou, dont le président est nommé par décret en Conseil des ministres, comme la qualité d'agents publics du personnel qui y travaille, n'est pas contestée, qu'elle est même revendiquée par l'ensemble des parties ; que la pratique dénoncée par la partie civile n'étant pas punissable pour l'établissement public, cette circonstance, qui n'est pas une immunité à caractère personnel, s'étend nécessairement au cocontractant, nonobstant le caractère général de l'interdiction posée par les articles L. 152-3 et L. 125-3 du Code du travail ; qu'il en résulte qu'à supposer réunis les éléments matériels, l'infraction poursuivie ne saurait être caractérisée dans son élément légal ; que le marché public a été conclu dans des conditions de régularité non critiquées ; que la violation de l'ordre public social alléguée par la partie civile ne résulterait en fait que de l'exécution d'un acte qui n'est pas prohibé par la loi et qu'il n'appartient pas au juge, sous le couvert de l'appréciation de la validité du contrat administratif, de remettre en cause la loi elle-même ;

"alors que les articles L. 125-3, L. 152-3-1 interdisent et répriment toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre effectué en dehors des dispositions relatives au travail temporaire ; que l'auteur d'une telle opération est donc pénalement punissable, peu important la situation de son cocontractant ; que, de ce chef, l'arrêt attaqué ne se trouve donc pas légalement justifié ;

"alors, en outre, que le syndicat partie civile faisait valoir que le marché public en cause devait être considéré comme nul et ne pouvait être invoqué par les prévenus dès lors que sa cause était contraire à l'ordre public, en l'occurrence la commission d'une infraction pénale, le prêt de main-d'oeuvre à but lucratif ; que, par suite, la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que la violation de l'ordre public social ne résulterait en fait que de l'exécution d'un acte qui n'est pas prohibé par la loi, sans apprécier la cause de cet acte ; que, de ce chef, l'arrêt attaqué n'est pas davantage légalement justifié ;

"alors, enfin et en toute hypothèse, que les dispositions des articles L. 125-3, L. 152-3 et L. 152-3-1 sont tout à fait générales et s'appliquent à tous, y compris aux agents publics et aux établissements publics administratifs, peu important que l'ensemble des dispositions du Livre I du Code du travail ne leur soit pas applicable" ;

Vu les articles L. 125-3 et L. 152-3 du Code du travail ;

Attendu qu'il résulte desdits articles que constitue un prêt illicite de main-d'oeuvre toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre dès lors qu'elle n'est pas effectuée dans le cadre des dispositions du Code du travail relatives au travail temporaire;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, par un marché public, le Centre National d'Art et de Culture Georges-Pompidou a confié l'exécution de missions de surveillance à la société Bac Sécurité ; qu'estimant que les salariés de cette société étaient occupés aux mêmes tâches que les agents spécialisés du Centre, avec le même encadrement, le même matériel et selon les mêmes horaires, l'Union syndicale des personnels des affaires culturelles CGT a fait citer la société et son président, Jérôme X..., devant le tribunal correctionnel du chef de prêt illicite de main-d'oeuvre sur le fondement des articles L. 125-3 et L. 152-3 du Code du travail ; que le tribunal, après avoir relaxé les prévenus, a débouté la partie civile de ses demandes ;

Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris sur l'appel de la partie civile, la cour d'appel énonce que le Centre National d'Art et de Culture Georges-Pompidou étant un établissement public administratif dont le personnel est constitué d'agents publics, les dispositions du livre Ier du Code du travail, au nombre desquelles figurent les articles précités, ne lui sont pas applicables ; que les juges en déduisent que "la pratique dénoncée par la partie civile n'étant pas punissable pour l'établissement public, cette circonstance, qui n'est pas une immunité à caractère personnel, s'étend nécessairement au cocontractant ";

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'en l'état de la généralité des articles L. 125-3 et L. 152-3 du Code du travail interdisant le prêt illicite de main-d'oeuvre, la circonstance que les personnels de l'établissement public ne soient pas soumis aux dispositions du livre premier du Code du travail était sans incidence sur l'application des dispositions légales précitées, la cour d'appel, qui aurait dû rechercher si les éléments constitutifs du délit étaient réunis à l'encontre de la société Bac Sécurité et de Jérôme X..., mis en cause en qualité d'auteurs principaux, a violé les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ; D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris en date du 24 juin 2002, mais uniquement en ses dispositions déboutant l'Union syndicale des personnels des affaires culturelles CGT de ses demandes à l'encontre de la société Bac Sécurité et de Jérôme X... et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Pascal ALIX
Avocat à la Cour



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